La perfection, ça n’existe pas 

Être parfait, nous y prétendons tous sans jamais y arriver. Dali, à ce propos, disait : « N’ayez aucune crainte de la perfection, vous ne l’atteindrez jamais ». 
Dans son livre « Imparfaits, libres et heureux » Christophe André développe l’idée que le chemin de l’estime de soi passe par l’acceptation de ses petits défauts, de ses imperfections. 

Les marques l’ont bien intégré et optent désormais pour une décomplexion totale et assumée. Cette tendance a un nom, elle s’appelle le « Flawsome » : contraction de « flaw » (défaut) et « awesome » (génial). L’idée est simple, vos défauts vous rendent cool et vous pouvez les transformer en atouts. Ainsi la marque se veut plus humaine, plus proche des considérations de ses consommateurs et de leurs préoccupations.

Face aux scandales que suscitent chaque année le gaspillage alimentaire et le calibrage des aliments, Intermarché avait pris le pas d’une campagne où le défaut était à l’honneur. Les fruits et légumes moches et difformes revendiquent maintenant leur place sur les étals des supermarchés.

De son côté, la marque de cosmétiques naturels Hello Body a entendu les consommatrices qui réclamaient plus d’authenticité. Contrastant avec les photos Instagram lisses et retouchées, l’enseigne met en avant tout ce que ses concurrents cherchent à dissimuler. Pour promouvoir ses produits, les femmes, telles qu’elles sont vraiment, sont mises à l’honneur : rides, vergetures, dépigmentations de la peau, grains de beauté,… rien de caché, que du vrai. 

Appuyer là où ça fait mal

Le monde si formaté de la mode est pourtant l’un des premiers à avoir mis en avant des personnalités plutôt que des modèles de perfection. Ce retour au naturel et ce rejet de la retouche photographique s’invite jusque dans la vie personnelle des individus. Avec le hashtag « #nofilter » (pas de filtre) sur les réseaux sociaux, son utilisation revient un peu à brandir un écriteau estampillé « sans triche ».

Winnie Harlow, atteinte de vitiligo, a fait de son défaut une force en posant pour la campagne Desigual. Quant à la chanteuse britannique Adèle, elle a posé en couverture de Rolling Stone sans maquillage. 

Cependant cela ne suffit plus pour une génération Y qui réclame encore plus de transparence de la part des marques. Sans filtre c’est une chose mais aujourd’hui elle réclame la réalité, le hashtag “#nofilter” laisse sa place à #onveutduvrai, #bodyoptimist ou encore #inyourownskin. 

Les logotypes aussi, ont droit à l’imperfection. Celui de Repetto date de 1964, autant dire que depuis, les codes qui définissent la perfection ont changés. On peut sans aucun doute qualifier sa typographie d’imparfaite. L’écriture est irrégulière : comme tapée à la machine à écrire puis photocopiée à répétition.
Nos designers ont fait l’exercice de le lisser dans cette deuxième version. Ce qui lui fait perdre instantanément tout son charme et nuit à l’identité de la marque.

Chassez le naturel il revient au galop !

Certains consommateurs sont de plus en plus séduits par des produits imparfaits car ils y voient de nouveaux signes de qualité et d’authenticité. 
Or difficile pour les marques d’opérer un retour en arrière lorsque qu’elles ont habitué leurs consommateurs à tant de perfection. Si elles n’hésitent pas à s’approprier les codes du « fait maison » il reste nécessaire pour elles de communiquer sur leur prise de position. Il faut en quelque sorte « rééduquer », le consommateur. L’imperfection est normale mais nous avons eu tendance à l’oublier.

Ce qui explique le succès de produits comme ceux de Lush, conditionnés sous forme de blocs et vendus à la coupe. Les glaces Ben & Jerry’s garnies de gros morceaux semblent plus naturelles. Pour sa série « Brut » Côte d’Or a opté pour un bloc qui semble avoir été découpé à la main, évoquant un produit plus artisanal. Le packaging du camembert Le Rustique est porteur d’imperfections : relié par de grosses agrafes et gravé de façon irrégulière. La marque Aesop vend ses crèmes dans des tubes en acier avec l’originalité de toujours les présenter froissés.

Retoucher c’est tricher

Le rôle principal d’une photo sur un emballage est d’informer sur ce qu’il y a à l’intérieur. Une fois la photo du produit faite, l’étape de retouche est souvent incontournable. Elle est d’ailleurs généralement prévue au devis, avant même que la prise de vue ne soit réalisée. 
Particulièrement dans le secteur de l’alimentation, le piège d’une retouche trop parfaite est d’augmenter le risque de déception à l’ouverture et de perdre la confiance du consommateur. 

Un visuel de biscuit croqué avec quelques miettes et un autre qui semble avoir été découpé au laser ne parle, en effet, pas du produit de la même façon. L’imperfection traduit instantanément l’idée d’un produit moins “industriel” et plus naturel.

Le site www.photos-non-contractuelles.fr recense les (pires) différences entre les photos des packagings, des publicités et les produits réels… avec des flagrants délits de tricherie !

Expresso

Aujourd’hui, des produits parfaits aux emballages d’une esthétique sans faille cohabitent avec des produits qui valorisent leurs petits défauts et dont le design évoque l’authenticité. Pour certains, c’est surtout l’occasion de créer de la proximité avec leurs clients. Pour d’autres c’est une véritable stratégique qui se construit sur leur singularité et leur permet de se démarquer de façon durable.